Apprendre le droit pour le donner aux autres.
A connaître un peu mon passé, on aura du mal à m'accuser d'être trop complaisante avec les méchants monstres qui profitent de la fragilité des gens. Et pourtant, je me trouve souvent placée dans le rôle de l'avocat de la défense.
Un jour, une femme m'a reproché d'avoir pardonné à mes agresseurs, au lieu de les castrer purement et simplement. Face à cette réaction, j'ai longuement hésité à lui expliquer que castrer un homme non consentant n'est pas bien simple quand on a du mal à simplement bouger. Puis, j'ai choisi de me taire. Elle ne pouvait pas comprendre.
Je n'ai pas pardonné, en tout cas pas à tous et jamais complétement (Oui, je sais, j'ai la rancune tenace, et pour rien en plus). Mais par contre, il y a une chose que j'ai apprise : donner à un homme le statut de monstre, c'est oublier que chacun d'entre nous peut basculer du bien au mal s'il est correctement stimulé... Et vice-versa. On pourra me torturer, je crois quec'est le seul principe qui ne s'éteindra pas dans mon esprit... En tout cas je l'espère.
Mi septembre, j'ai appris que comme prévu, je devais redoubler ma première année de droit. Mes partiels avaient été entravés par des hospitalisations et des crises assez impressionnantes et il était évident que tout était donc à refaire. Tout l'été, je me suis posé la question : vais-je persévérer ? Parce que retourner à la fac et recroiser des professeurs, des étudiants ou quiconque qui avait eu l'occasion de m'admirer en pleine souffrance, voire pire, ça me tentait peu. Certains, à ces moments où j'étais paralysée dans le couloir, ou bien quand la douleur devenait trop forte, restaient là, comme des ronds de flan, au spectacle (promis, je ramène le pop corn cette année). J'ai reculé devant l'obstacle suprême : le risque de rencontrer chacun d'eux dans un amphi, dans une salle de cours...
Mais, il fallait que je me souvienne pourquoi je voulais devenir avocat. Pas que pour défendre des victimes, mais pour que ceux qui cèdent au pire des instincts puissent avoir une chance, une petite chance de changer de cap. ils accepteront de la saisir ou non, c'est leur choix et il est respectable, quel qu'il soit. Oui, oui : quel qu'il soit.
Alors, pour ça, un idéal qui ne sera jamais atteint, je retaperai cette année et je l'aurai avec mention. Je me découragerai, je grognerai, mais j'y arriverai.
On me dit dans l'oreillette que mon combat est perdu d'avance. Qui sait, si on ne tente rien, on n'a rien, non ?