Une poignée de secondes, et la valse des « et si »…
(ce soir, coeur lourd, alors je triche : je vous mets ici un texte qui date d'il y a peu ou prou un an. Je ferais bien d'ailleurs d'en apliquer l'esprit, dès demain.)
C’est fou ce que quelques secondes peuvent changer dans une vie. Je crois que tout le monde s’est déjà fait cette réflexion un jour où l’autre, voilà un lieu commun que j’ai toujours adoré. Vingt secondes sans oxygène et un cerveau peut se dérégler. Dix secondes de retard sur un quai et le train s’en va sans vous. Une poignée de secondes peut vous ouvrir toutes les portes du monde merveilleux des hypothèses inutiles, tout comme ce fameux et incontournable « et si » que nous ressortons avec son cortège de regrets qui ne servent pas à grand-chose.
J’explore moi-même souvent cette contrée, mais grâce au ciel ou à je ne sais quel hasard farceur j’ai toujours su trouver le chemin du retour avant de me faire dévorer par le croquemitaine des idées noires. Pourtant, il m’a poursuivie celui-là et il a bien failli à de nombreuses reprises m’avoir. Il m’a même de temps à autre arraché un morceau de cœur, un lambeau d’espoir… Mais dans l’ensemble j’ai été relativement épargnée. Du coup, je connais bien des sentiers qui parcourent ce royaume impitoyable des « et si ».
A ma droite, la mer Tume, avec ses écueils ô combien célèbres, ceux de la culpabilité. Ici viennent s’échouer les marins d’eau douce qui ont pleuré des gestes non effectués, des paroles non prononcées qui auraient pu changer tout si seulement on avait su. Et c’est les larmes tirées de ces sombres pensées qui ont formé cette mer agitée. Pour ma part, j’ai heurté un jour les récifs les plus acérés et je crois que c’est lors de cet incident que j’ai récolté le plus de blessures de guerre. Elles cicatrisent bien, merci ! J’ai juste appris que la navigation n eaux troubles n’était pas mon fort.
Un peu plus loin, vous admirerez le désert des fantasmes, où les mirages de fortune ou de célébrité ont rendu dingues des gens que l’on aurait dit sains d’esprit et très intelligents. Le séjour y est très agréable, la sortie des lieux l’est nettement moins. En fait, le retour à la réalité est des plus traumatisants. Personne n’aime s’éveiller d’un beau rêve. L’ennui c’est que trop rêver conduit à oublier les factures du quotidien. Et tout le monde n’est pas la Belle au Bois Dormant pour se permettre d’avoir de telles fantaisies.
Et tenez, voilà l’endroit le plus dangereux du monde des hypothèses. On dit que peu de personnes en sont revenues. Le labyrinthe des « pourquoi moi ? ». Vous savez, cette petite phrase insidieuse qui nous vient quand on s’estime cruellement frappé par le sort ? Le seul souci, c’est que la question n’admet pas vraiment de réponse. Donc pour trouver la sortie de ce dédale, je vous conseille de vous accrocher. Le plus simple étant, bien entendu, de ne pas y mettre les pieds.
Voilà quelques-uns des sites remarquables du monde des « et si ». Mais en toute franchise, je crois qu’il est préférable de ne pas trop venir dans le coin. Une ou deux visites en touriste suffisent largement. A quoi bon disserter des heures de ce qui pourrait, aurait pu être ou pourra être ? A se rassurer, à rationaliser ? Peut-être aussi à avoir un coupable quand tout s’écroule, quitte à ce que ce coupable soit soi-même. Mais il n’y a pas toujours de reproches à adresser. Un désastre peut être prélude à une bonne nouvelle. J’ajouterais un dernier détail qui à mon avis a son importance. Ne pas s’enfoncer dans les hypothèses ne veut pas dire ne pas en tenir compte, ni ne pas rêver d’un futur meilleur. C’est parce que des fous ont imaginé que nous vivons sur une terre remplie de merveilles.
Pour conclure sur ce sujet, j’aimerais juste remercier le hasard d’avoir voulu me faire la blague de me débrancher l’oxygène quelques secondes. Sans ça, je serais peut-être une pin-up dégénérée ? Plutôt devenir paraplégique !