Une victoire, un échec.

Publié le par Blandine

Je voudrais aujourd'hui sauter de joie. Après tout, j'ai enfin le droit de m'inscrire administrativement à la fac. Droit conquis de haute lutte, en plus ! Alors, le ciel est bleu, les petits oiseax chantent et tout va bien ?
 
Ben non.

Je voudrais vous parler d'une demoiselle, ma "petite soeur de coeur'", Marine. 

Marine a le même handicap que moi... en plus sévère. Je l'ai connue quand elle avait 9 ans, chez la psychomotricienne qui nous suivait toutes les deux, Véronique. Plus précisément, c'est cette dernière qui nous a présentées en bonne et dûe forme.

Souvent lorsqu'on est enfant et handicapé, tout le monde est paumé. Les médecins qui expliquent comme ils peuvent (souvent très mal, n'en déplaise à l'un des rares messieurs en blouse blanche devant qui je ne montre pas les dents d'office), et s'adressent plus aux parents qu'au principal intéressé. Les dits parents qui s'affolent et bricolent comme ils peuvent pour se rassurer, rassurer leur grumeau, s'adapter... mais surtout intégrer pour de bon une donne pas facile à accepter. L'enfant, enfin, celui à qui ça arrive, il se débrouille comment ? Quand il a mal sans savoir pourquoi, quand il entend des adultes eux-même effrayés ou à tout le moins inquiets, des mots lourds de sens tels que "sa vie va être difficile", pour rester dans le relativement soft. 
 
Là, Marine avait pioché des idées noires en écoutant des mots qu'elle n'avait pas pu bien comprendre. Et ses questions restant sans réponse, elle était persuadée de mourir jeune. C'est pourquoi Véronique a décidé un soir (nos séances se suivaient) de la mettre en face de moi et de me laisser lui raconter ce qu'hémiparésie voulait dire, en vrai. Ben je vous assure qu'à 15 ans, devenir le messie pour une ravissante fillette toutte intimidée, c'est assez perturbant. Marine me regardait avec l'intensité d'une affamée devant un festin. Alors, je n'ai pu quue lui dire "tu vois, je suis plus vieille que toi... et je suis toujours en vie". Elle a eu ce timide sourire qui a littéralement changé ma vie. J'ai décidé de la faire rire, coûte que coûte... Et j'ai réussi. Insidieusement, l'enjôleuse m'a prise dans ses filets. Elle m'a adoptée comme grande soeur et le reste de sa famille m'a également ouvert les bras.

Mais... Mais voilà, ma petite déesse a cumulé les malchances. Entre un handicap pas simple à vivre, un papa qui  soignait son mal-être et son cancer avec divers breuvages alcoolisés, une maman fragilisée par la maladie... Il fallait rajouter un incendie qui ravage la maison pour faire bonne mesure. Il fallait rajouter Papa qui s'en va de la maison... Ca ne serait pas drôle, hein, sinon.

Bref, plus tard, j'ai quitté Rouen, et plus question donc de voir souvent ma soeurette. Mais vive msn messenger, nous gardions le lien ainsi, et je m'arrangeais pour tenter de passer quand je passais sur cette maudite ville. Un jour, Marine m'apprend qu'elle va partir en Australie, grâce à une association. Tout est prévu et orchestré. Youpi, reste à prier.

Je vois ma princesse, rattrapant des années en deux jours, un peu avant son départ. Mon inquiétude ne m'empêche pas d'espérer que pour une fois, pour une fois dans sa vie agitée, tout se passe bien... Un voyage d'uun an, c'est pas rien mais si il y a quelqu'un là-haut, hein....

Bah non : Hier, un mail de ma puce. Elle rentre dans un mois. Ca a merdé. Pas bien intégrée, ma fillette. Je rage. Pour l'échec en soi... Mais aussi parce que sa maman et moi allons devoir rassurer une toute petite ado. Lui dire qu'elle réalisera ses rêves. Les autres. Il va falloir lui faire dire, ne pas garder tout en elle.

Parce que la dernière fois que j'ai vu Marine culpabiliser, je ne m'en suis pas bien remise.

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E
Le véritable échec aurait été qu'elle n'essaye pas. Tout ne marche pas du premier coup. Aucun d'entre nous ne rentre dans toutes les cases, parce que toutes les cases ne sont pas faites pour nous et que nous ne sommes pas faits pour toutes et c'est justement ce qui fait notre richesse. Quand on apprend à marcher, on trébuche, on tombe et on recommence. Et même quand on sait marcher, il arrive qu'on se ramasse sur une peau de banane... Tu as raison, il faudra qu'elle l'exprime.
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B
<br /> Oui, exprimer... Mais à quel prix, cette fois encore ? J'aurai un rôle à jouer. Ca, je le sais. Comme au tout premier jour. Mais je crains un face à face. Parce que mamzelle courage<br /> a de ces désespoirs qui vous ravagent un être. Et je ne suis pas certaine d'avoir la force de persuasion nécessaire pour lui rappeler une fois de plus qu'elle a droit à une portion de bonheur...<br /> J'apprécierais vraiment que le hasard ne démente pas sans arrêt mes propos.<br />  <br /> <br /> <br />