"Blandine, promets-moi...
... de ne jamais écrire tes mémoires : personne n'y croirait !" Depuis que je connais Tchoucky, cette supplique revient régulièrement dans sa bouche. C'est pourquoi, elle et moi avons écrit ce billet ensemble, afin que vous ayiez le son de cloches de ma compagne d'aventures préférée.
Bonjour, bonjour mesdames et messieurs, c'est Tchoucky qui squatte le blog de Blandine pour un petit article à quatre mains. Je prends la parole à titre de témoin, car sans cela vous n'y croiriez pas. Pourtant, je déclare sur l'honneur que les événements qui vont être relatés dans le présent article sont la stricte vérité (même qu'on a des photos pour le prouver).
Attention, accrochez vos ceintures, bienvenue dans la quatorzième dimension.
Bien. Au fait. Ce vendredi 12 décembre 2008, notre Blandine nationale avait rendez-vous avec son nouveau psy (première rencontre, car le rendez-vous précédent avait du être annulé (( pour cause de déménagement intempestif du cabinet du médecin dont Blandine n'avait pas été prévenue ((( elle s'est présentée à l'ancienne adresse avec une jambe en moins et n'a donc pas pu arriver à temps à son rendez-vous ((((( mais ça c'est une autre histoire, alors je la raconterai une autre fois)))))). Je l'accompagne, car en cas de défaillance de sa jambe droite, je l'héberge chez moi pour la nuit (oui, le rendez-vous a lieu à 19h, alors rentrer chez elle, à 30 kilomètres en RER avec une jambe en moins passé vingt heures, bon, c'est pas la joie).
Plantons le décor.
Imaginez, un large vestibule, bien blanc, sérieux, le genre qui vous paraîtrait normal de trouver chez un psychiatre. Maintenant, mettez-y de part et d'autre cinq ou six portes. Inscrivez sur la première « salle de psychothérapie dynamique, ne pas entrer sans y être invité ». Sur la deuxième « salle d'attente ». Jusque là, rien de très anormal. La porte suivant a la mention « salle privée ». Drôle de formule, mais ça passe encore. Viens ensuite « la salle d'hypnose ». Nous sommes chez un psy, me direz-vous, et il faut être ouvert à toute forme de thérapie (je débattrai plus tard de ma relative confiance en certaines méthodes). Bon, maintenant, expliquez moi ce que signifie « salle secrète » ? En tout cas, c'est la mention qui figure sur la dernière porte. Mais attention, je ne vous ai pas dit un détail, qui a son poids. Les dites pancartes sont taillées grossièrement dans du carton d'emballage. Oui, du carton. Style décors de théâtre de fin d'année, vous savez, les spectacles du petit cousin ou vous êtes obligé d'aller parce que ça fera tellement plaisir à la famille, et ou on ne comprend pas un mot de ce que les jeunes acteurs en herbe baragouinent....
Vu le standing de l'appart, notre psy a les moyen de s'offrir des vraies pancartes, c'est donc un choix.
Nous entrons dans la salle d'attente.
Comment doit être une salle d'attente chez un psy à votre avis ?
Deux réponses prises au hasard :
« heu, sur-bondée, comme un hall de gare ? »
« Aseptisé, avec un décor impersonnel ? »
Et bien, voici à quoi ressemble la salle d'attente d'un psy :
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Les photos ne rendent pas très bien, donc j'explique : nous sommes dans une très étroite pièce qui a du être la plus inconfortable des cuisines,dans son temps. Cette pièce est éclairée par des petites lampes d'un genre particulier. Deux d'entre elles sont affublée d'antennes d'extraterrestres.
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Deux autres ont été bricolées en ajustant une ampoule et un abat-jour sur une cannette de bière. Aux murs sont suspendus des objets de récup'art tout ce qu'il y a de plus hétéroclites : tête de vache en guidon de vélo ou devant de baril de lessive, miroirs à n'en savoir que faire, au cas où on ne trouverait pas assez moche avec un seul, guirlande de fruits en plastique, et le summum du summum, un rideau de... Bon, on va dire perles, ou les perles auraient été remplacées par des fragments de bouteilles, barils, emballages aux couleurs tape-à-l'oeil.
Je tiens à préciser que j'adore le récup'art. Mais là, il faut bien le dire, c'est trop coloré, trop chargé, c'est... J'ai oublié de mentionner le portrait du psy qui trône à coté de la porte. Vous le voyez sur la photo, il se passe de commentaire :p
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Bon, un gentil monsieur est déjà là, il attends sa soeur qui est en consultation, ce qui est un peu embarrassant parce qu'il n'y a que deux chaises dans cet espace exigu. (Je cède la chaise restante à Blandine, évidemment, et elle se fait affreusement prier, évidemment) Et là, histoire de faire la conversation, Blandine lance un commentaire sur la décoration « originale pour une salle d'attente ». Du coup, comme chaque fois qu'on prononce le mot originale devant moi, j'essaye de chercher la beauté inenvisagée qui se cache derrière cette surcharge de couleurs et d'objet. Désolée de vous avouer que je sèche honteusement.
Sur la petite table basse, foin de magazines habituels, du style Figaro Madame ou « Devenir-jeune -et-jolie-en-trois-jours ». Deux livres d'images : « la vie en rose » un recueil de photos d'animaux agrémentées de textes d'un genre que je ne comprends pas trop, et un livre sur les sculptures de Camille Claudel.
Bref, tout sauf une lecture apaisante...
Avant de laisser la parole à Blandine, je ne résiste pas à l'envie de vous décrire le cabinet dans lequel elle sera reçue dix minutes après que notre brave praticien ait renvoyé sa dernière patiente.
Deux gigantesques pièces, dont la séparation a été abattue (bon, soyons pas mesquins, 20 mètres carré chacune, c'est sûr qu'en comparaison avec l'espace de la salle d'attente, ça choque). Dans la première pièce une table pour vingt-quatre convives derrière laquelle trône un fauteuil de bureau. Si, si, il s'agit bien du bureau de notre psy. Vingt quatre convives, je vous jure. A coté de ladite table, un ordinateur et une machine à carte vitale. Au-dessus des éléments susnommés, deux pancartes. L'une porte la mention « ordinateur » et l'autre « machine à cartes vitales ». De l'autre coté de la porte, une horloge. Au dessus de l'horloge ? Bravo, une pancarte. Et sur la pancarte ? « dromadaire bleu » ? Même pas : « horloge ». Cet homme a vraiment peur qu'on oublie le nom des objets. Dans la deuxième pièce, il y a un gigantesque divan, allez, soyons gentils, pour huit personnes. Le psy y prend place pendant toute la consultation. Il est séparé de sa patiente par dix mètres de table basse en verre, plus cinq autres mètres d'espace vide et enfin on arrive au petit fauteuil exigu auquel Blandine a droit (quelle générosité, il aurait pu la laisser debout !).
Pour le déroulement de la séance, parole à l'intéressée (si tant est qu'elle arrive à calmer le fou rire qui l'a prise en relisant mon descriptif).
Ça, ma Tchoucky, ça va être dur. Non qu'un vrai fou rire ne me soit pas fort agréable par les temps qui courent mais là, mes côtes crient grâce. Bon, bref, passons.
Psy bien-aimé est instal... affalé sur son divan. Les excès de la veille, une dispute avec sa femme ? Je ne sais. L'interrogatoire classique commence. Fratrie, mes liens avec ma charmante accompagnatrice-béquille-porteuse de chance, mes relations avec mon compagnon... Et puis, on en arrive au coeur du problème : la dépersonnalisation. Le p'tit père me laisse dans un premier temps parler de mes pertes de conscience, de ces charmantes hallucinations auditives. Puis, le plus sérieusement du monde, me demande ce que j'en pense et si j'ai déjà émis l'hypothèse de la... possession. Je commence hélas à être à court de « euh.......... » et je juge donc plus approprié un petit décrochage de mâchoire. Mon cerveau paralysé tente timidement de trouver une explication cohérente à la question : sans doute était-ce une approche pour me suggérer une bien grande imagination.... Monsieur enchaîne avec un naturel et une spontanéité touchants : « Seriez-vous d'accord pour que je demande à une seconde personne d'intervenir ? ». Je réponds que oui, légèrement intriguée devant ses yeux brillants comme ceux d'un enfant devant un cadeau de noël. Et là, tadaaaaaaaaam : « Ce monsieur que je veux vous faire consulter connaît bien le monde des esprits et il aura des thérapeutiques adaptées à un cas de possession, au besoin. ». Mon cerveau, pas contrariant, mais un peu perplexe envisage deux cas : soit ce monsieur me prend pour une folle et veut me faire interner gentiment par un collègue en blouse blanche (très-gentil-le-monsieur-il-va-vous-écouter....), soit il est sérieux et dans ce cas... non, ce cas est inenvisageable, pas vrai ? Pas vrai.
Je tente timidement un « vous parlez d'un exorciste ? », espérant à tout prix être démentie. Il me fait un grand sourire, baveux à souhait : « pas exactement, plutôt un... prêtre vaudou. ». Ah oui, voilà comment me rassurer ! Bah, les z'amis, vous savez quoi ? Une mâchoire qui est complètement décrochée et qu'on essaie bêtement de retenir de tomber, ça fait mal.
Est-il utile de préciser qu'à ce moment, mon cerveau a déclaré forfait ? J'ai eu le malheur d'expliquer que Tchoucky m'avait déjà vue en crise. J'osais imaginer vaguement un retour à la normale. Yeux qui brillent bis : « Je pourrai l'interroger ? ». Brave petit, je ne vais pas lui refuser ça, hein, il est si mignon... Il insiste, : « vous êtes sûre ? ». Je repensai à ma douce et frêle amie, perdue dans un cagibi orné de trucs bizarres. Nous qui avions assez de place pour héberger douze familles d'haïtiens rescapés des cyclones, autant l'en faire profiter. Et puis, mes neurones ayant grillé définitivement au mot « vaudou », je ne pouvais qu'acquiescer bêtement, assommée.
Pendant ce temps, à côté...
Nous aurions du partir il y a vingt minutes. J'ai un rendez-vous à 21h, même si j'ai averti les concernés que je pourrais être en retard, j'aimerais bien y être quand même. Je guette désespérément les bruits de pas dans le couloir. Après plusieurs fausses joies (bruit qui arrivent puis s'éloignent) la porte du cabinet s'ouvre sur Psy Bien-Aimé. Seul. D'un ton qui ne présage rien de bon, il me demande si je peux venir dans le cabinet. Mon coeur s'arrête. La jambe de Blandine s'est bloquée !
A ce stade-là de l'histoire, il convient de préciser que mademoiselle est bloquée depuis deux jours à Paris parce que devant accomplir des démarches administrative sur une seule jambe, et qu'elle a miraculeusement retrouver l'usage de ses membres inférieur durant cet après-midi. Depuis, je prie pour que cet état de grâce se prolonge, mais non, ce serait bien trop beau.
Je vais donc dans le cabinet décrit précédemment et suis acceuillie par une Blandine qui me lance un regard que je n'arrive pas à interprêter. Je lui demande si sa jambe est de nouveau bloquée et Psy Bien-Aimé me rassure, il veut seulement m'entendre au sujet des crises de Blandine. Je raconte ce à quoi j'ai assisté, en essayant de rester au plus simple, je ne sais pas si je dois minimiser ou insister sur la gravité du problème. Psy Bien-Aimé ne m'aide pas, il me fait répéter plusieur fois la même chose sans que je comprenne ses intentions. Je ne vois qu'une explication : il doute de la véracité des dires de Blandine et veut forcer sa « complice » à se trahir. Comme pour confirmer mon hypothèse, il demande à Blandine si elle est sûre que ce n'est pas l'épilepsie. J'interviens donc et donne des détails sur le comportement du double de Blandine, qui sait tenir une conversation cohérente, ce que je crois qu'un épileptique ne peut pas faire. Je remarque les regards que me lance Blandine, mais je n'ai aucune idée de ce qu'elle veut. Quand il m'a assez interrogée, il demande à Blandine si elle est d'accord pour qu'il contacte la personne dont il lui a parlé.
Miracle, me dis-je, il prends le problème au sérieux, il a conscience de ne pas être compétent et il va la diriger vers quelqu'un qui l'est !
J'ai trop foi en la nouvelle cascade de coup de bol qui vient de nous tomber dessus pour trouver bizarre la façon dont Psy Bien-aimé se fait répéter plusieur fois l'autorisation d'appeler « la personne ».
_ Vous êtes sûre ? Je ne veux pas que vous pensiez que je vous force ! Vous êtes bien sûre ?
On perd cinq minute de plus à le convaincre qu'elle lui a donné son accord. Enfin, monsieur Psy décider d'appeler. Un téléphone fixe sans fil est posé sur ses dix mètres de table basse en verre. Il le néglige honteusement pour aller chercher celui qui l'attends sur son bureau de vingt-quatre convive. Là, Blandine essaye vraiment de me faire comprendre ce qui se passe. Elle est visiblement morte de rire. Elle lève plusieurs les yeux au plafond, que je me mets à examiner avec attention dans l'espoir de trouver ce qui est si risible, mais le plafond est bien la seule chose bien décorée de l'appartement.
En désespoir de cause, Blandine joint les mains dans une attitude priante. Bon, elle est contente, on va la diriger vers une personne compétente et elle rends grâce à Dieu pour ça.
Psy Bien-aimé revient, avec son deuxième téléphone fixe. Il fouille dans sa sacoche pour en extraire un téléphone portable. Il consulte le répertoire du portable pour composer un numéro sur le fixe. Quelqu'un lui répond, une personne qu'il appelle par son prénom. C'est donc un confrère dont il est assez proche, on dirait. Il essaye de parler de Blandine, mais visiblement, le confrère avait une autre question à lui poser.
_ C'est parce que je vous appelle d'un autre téléphone, répond Monsieur Psy, mon autre téléphone ne marche pas. Veuillez me rappeler sur mon autre téléphone.
Il raccroche sans avoir parlé de Blandine, mais bon, on a l'explication de pourquoi il n'a pas touché au téléphone de la table basse.
L'autre rappelle. Une sonnerie retentit. Elle n'émane pas du portable. Elle n'émane pas du fixe du bureau. Pas du fixe de la table basse. Elle émane de... DERRIERE le canapé. Je tords un peu le coup et aperçois en effet à son pied arrière, non pas un mais DEUX téléphone. Ce qui en fait cinq dans la pièce, si vous avez tout suivi.
Psy en choisi un (le moins joli) et le décroche. A l'autre bout du fil, l'autre veut visiblement lui parler d'autre chose. Il le laisse discourir avant d'expliquer qu'il appelait pour une autre raison. Il se trouve en présence d'une jeune femme. Cette jeune femme s'appelle... Comment, en fait ? Blandine donne son nom. Elle a vingt-trois ans. Elle fait des études de droit. Elle vie maritalement avec un homme.
Tchoucky : (à part) Bon, tu vas le dire le problème, oui ou non ?
Elle vit maritalement avec un homme, donc. Et elle a un problème depuis l'âge de dix ans.
Tchoucky : (à part) Ah, enfin.
Elle a un problème depuis l'âge de dix ans. Elle a quatre soeurs. Elle est née au mans.
Tchoucky à part est prise de l'envie de taper sa tête contre un des murs immaculé du salon salle-de-bal-cabinet-de-psychiatre
Enfin Monsieur Psy consent à parler à son interlocuteur du problème de Blandine et de pourquoi il l'appelle. Ils conviennent d'un rendez-vous dont monsieur Psy s'avise après coup qu'il convient à Blandine, puis ils raccrochent sur la promesse se reparler dix minutes plus tard pour évoquer le sujet dont l'Autre tenait à tout prix à parler.
Blandine est rouge, rouge, rouge. Elle évite de me regarder, parce qu'à chaque fois, un fou rire qu'elle a du mal à réprimer la prends. Je commence à sérieusement me demander ce qui se passe. Ce n'est quand même pas un marabout, qu'il y avait au bout du fil ?
Et là, avec une candeur adorable, monsieur Psy annonce que la séance est de cent euros, mais qu'il conçoit que ce n'est sans doute pas dans ses moyens, alors qu'on peut négocier le prix. Le fou rire de Blandine se calme instantanément. Psy lui demande si sa mutuelle rembourse à 100% en reconnaissant que dans son cas à lui, il y a dépassement (non ? Sans blague ? ). Blandine lui fait un chèque en lui demandant de ne pas le toucher avant qu'elle se soit renseignée auprès de sa mutuelle, ce que j'espère qu'il fera. Et là, avec un culot que je salue bien bas au passage, elle demande « comment il a eu l'idée de la décoration de sa salle d'attente, cette ambiance de délire ».
De fantaisie, corrige monsieur psy. Il est visiblement très fièr d'avoir laissé libre court à son imagination. Il n'est pourtant pas l'auteur des oeuvres exposé, il les as importée d'Afrique, rien que ça.
Sortons de là. Vite. Pitié.
Je m'engouffre dans l'ascenseur avec joie et une Blandine qui n'en peut plus de se retenir de rire, ce qui fait qu'elle mettra dix minutes avant de m'expliquer le fin mot de l'histoire.
Je soussignée, Tchoucky, jure que tous les événements que nous venons de citer sont la stricte vérité (bon, j'ai peut-être un peu exagéré la taille de la table basse, mais juste ça)