Un livre, pour un mensonge...

Publié le par Blandine

Avant d'enchaîner sur mon ami le greffier, je voulais illustrer ce que je disais sur les gens qui mentent et se font passer pour des victimes.

Il y a un petit moment, dans une librairie, je suis tombée sur un curieux livre : "j'ai menti". C'était l'oeuvre d'une jeune fille qui écrivait pour parler de son effroyable mensonge. A 14 ans, elle avait prétendu que son père l'avait violée. Elle avait été crue et l'homme fut condamné à 12 ans de prison. Enferrée dans la légende qu'elle s'était forgée, Virginie, puisque tel est son nom, a choisi de témoigner et de dire la vérité... dans un bouquin.

Lors de cette découverte ittéraire, je suis passée par plusieurs stades :

- le premier, une colère à mon humble avis légitime. Cette fille a mon âge. Elle a menti pendant longtemps et a non seulement ruiné la vie de son père et de sa famille, mais celles de certaines victimes réelles passées à sa suite dans le bureau d'un juge d'instruction et pour qui la suspicion fut peut-être plus forte du fait de son histoire. Avoir le sentiment de n'être pas cru est très pénible. De plus, je n'aime pas cette démarche de "témoignage public" dans un livre. Ce n'est pas ça qui sauvera son père et je déteste l'idée qu'elle obtiendra des gains de la vente du bouquin, qu'elle sera écoutée sur des plateaux télé, bref, que Virginie sera vue comme une courageuse victime... d'elle-même ou, oserait-elle affirmer;, d'un système. Entendons-nous sur un point : oui, admettre son mensonge est courageux. C'est la manière que je déplore et non pas le fond.
Parce que le système, hein, il a bon dos. Je me le coltine depuis quelque temps. Il est très loin d'être idéal. Mais c'est assez facile de mimer le repentir pour accuser d'autres que soi. En même temps, c'est un mécanisme très humain et nous le faisons tous, à plus ou moins grande échelle, plus ou moins régulièrement. D'où...

- La rationnalisation : Virginie a menti. Soit. Elle devait avoir de bonnes raisons. Que celles-ci ne me paraissent pas telles, ce n'est pas ce qui compte. On ment par besoin, pour obtenir quelque chose. Quelque chose qu'on n'estime pas pouvoir avoir autrement. Je ne peux pas avoir pitié de cette fille. Mais je peux au moins essayer de me rappeler tous mes propres mensonges, je peux me rappeler toutes ces fois où par un moyen ou un autre, j'ai chercher à attirer l'attention. Je ne peux pas accepter, ni même comprendre. Je peux au moins me dire qu'elle a fait ce qu'elle pensait être nécessaire pour elle, qu'elle a eu tort et que ma colère était autant justifié par l'énormité de son mensonge que parce que cela concernait un domaine dans lequel je nage... et donc que mes sentiments sont biaisés.

- La lassitude : Avoir laissé publier ce livre est à mon avis un symptôme de ce qu'on attend tous plus ou moins. L'éditeur n'aurait pas accepté de retenir le manuscrit s'il n'avait imaginé qu'il trouverait preneur. Si j'ai parlé d'une "légende" autour de cette demoiselle, c'est que c'est bel et bien ça. Il est de bon ton aujourd'hui d'entretenir ce mythe de la victime héroïque. La douleur a cette auréole de sainteté qu'il est très dur de refuser quand on vous la tend. On vous porte aux nues quand votre seule gloire est d'avoir été blessé, meurtri. Aurait-on besoin de nos bourreaux pour devenir tout à coup plus baux ?
On a tous en nous cette petite dose de voyeurisme. On va s'indigner, juger coupable ou s'appitoyer, là n'est pas l'important : on est clients. Des talk-shows, des émissions de Julien Courbet, des télé-réalités. Qu'on aime ou pas, on y prête attention. C'est la porte ouverte à deux extrêmes pourtant opposés : la victimisation et la banalisation. Je n'ai que 23 ans et je ne prétends pas avoir toutes les clés pour comprendre notre monde. Mais il y a une chose que j'ai apprise : je suis humaine et je réagis comme ces gens que je critique, parfois. Je ne m'émeus plus de la guerre au JT de 20 heures. Je pleure sur les chiens écrasés. Banalisation. Je m'apitoie sur mon sort et j'en veux au monde entier, et à Virginie parce que potentiellement elle peut me nuire. Victimisation. Le cycle est-il immuable ?

Alors Virginie, pardonne-moi de ne pas te pardonner. Je suis trop humaine pour ça. J'en suis désolée, sincèrement.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article